– C’est non.
Épuisé, humilié, François regarde son dossier revenir vers lui, poussé du bout des doigts par son interlocuteur avec un dégoût à peine caché.
– Mais je travaille sur ce projet depuis des années ! Je suis allé voir des professionnels pour lui donner du sérieux, du corps, j’en ai écrit plusieurs versions et…
– Et c’est non. L’argent ne pousse pas sur les arbres, vous savez ?
– Mais qu’est-ce que 150 000€ pour…
François n’a pas le temps de finir sa phrase que la porte du bureau claque. Le temps qu’il se retourne, un homme hirsute et couvert de taches brunes aux relents d’excréments rentre en grognant. Paralysé par la surprise et la peur, François enfonce la tête dans les épaules, mais à son grand soulagement, l’étrange individu n’en a pas après lui. Il s’approche du bureau, et d’un geste brutal, y colle un post-it humide tout aussi sale que le porteur. L’homme dans le fauteuil s’en saisit et déchiffre à voix haute :
– Fiouuu boum, bam, frouuush, ex-mari, cacabam, tut-tut, là c’est juste une tache de morve, boum, kaboum, mégaboum, ex-femme, scroulouloush.
Le propriétaire du bureau marque une pause, se gratte le menton et lève les yeux.
– Combien ?
– 136 MIYONS.
– Vous les avez, M. Emmerich.
Un grognement, un pet un peu poussé qui rajoute une nouvelle ligne sur le post-it qui se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment, et Rolland Emmerich ressort. Le producteur, lui se tourne vers François.
– Vous êtes encore là, vous ?
– Attendez, lui pond littéralement une merde sur un post-it, et vous lui donnez 136 millions pour son film ?
– Oh vous savez, c’est plus le fruit d’une longue tradition que d’une vraie réflexion : une fois tous les un ou deux ans, Rolland Emmerich apparaît. Il pond une merde, on la finance, et tout le monde est content.
– Mais… mais pourquoi ?
Le producteur hausse les épaules.
– Connaissez-vous l’Amicale des Producteurs Scatophiles ?
Ooooh, je vous entends venir, amis lecteurs. « Une société secrète de producteurs scatophiles ? En voilà, une théorie du complot ridicule ! ». C’est vrai, mais entre ça et l’existence de véritables scénaristes derrière un film de Roland Emmerich, qu’est-ce qui est le plus crédible, hmmm ?
Et cela tombe bien, car c’est le sujet de Moonfall : la vieille théorie du complot selon laquelle la Lune serait creuse.
Alors, le scénario l’est-il plus encore ?
Spoilons, mes bons !
Notre aventure commence dans un passé fort lointain : 2011.
À cette époque oubliée où le monde tremblait devant l’arrivée de Google+, nous retrouvons un trio d’astronautes américains en orbite autour de la Terre. On découvre parmi eux Jeannine, la cheffe de mission, Brian, le baroudeur, et bien sûr, Jean-Jacques, qui… qui est un sacré Jean-Jacques. Pendant que Brian et Jean-Jacques bricolent un satellite, Jeannine les surveille depuis la navette.
– Ça va les garçons ?
– Moyen.
– Que se passe-t-il Jean-Jacques ?
– Eh bien je… je ne sais pas. J’ai comme l’impression qu’il va m’arriver une merde.
– Ahaha allons ! Qu’est-ce qui te fait dire ç…
– WAPAPASARASS C’EST QUOI CE TRUC ?
En effet, Jean-Jacques vient d’apercevoir un truc étrange : un essaim d’éclats métalliques qui fonce droit vers eux. En un instant, le satellite sur lequel ils travaillaient est pulvérisé, Jean-Jacques se retrouve propulsé en tournoyant vers le lointain tel un vulgaire membre de la Team Rocket, quant à Brian il… ah non. Il va bien. Vous savez ce que c’est : dans l’espace, se prendre des éclats métalliques à plusieurs centaines de milliers de kilomètres heures, c’est assez anodin. Sauf si on s’appelle Jean-Jacques bien sûr.
Préférant malgré tout ne pas rester dans le secteur, Brian parvient à regagner la navette et en prend le contrôle puisque Jeannine a été assommée par les secousses lors du curieux phénomène. Cric le starter, crac l’embrayage, un coup d’essuie-glace et hop : Brian ramène tout le monde sur Terre. Non sans avoir noté que l’essaim, coquin, est reparti vers la Lune une fois l’affaire terminée et a disparu dans un cratère. Il était visiblement juste venu faire une petite blague.
Sauf que voilà : à son retour sur Terre, la NASA refuse d’écouter notre héros. Et à la place, lui fait un procès, diffusé en direct à la télévision.
– Monsieur Brian, vous êtes responsable de la mort de Jean-Jacques.
– Pas du tout ! C’est l’essaim métallique magique tueur de la Lune qui a fait le coup !
– Ouais ouais, c’est ça. Et évidemment, votre collègue était inconsciente et n’a rien vu pendant que c’est arrivé, donc il n’y a que vous et votre histoire bidon. Bon, vous savez ce qu’on va faire ? Je vais tendre ma jambe, comme ça, et mettre mon pied en avant. Et vous, vous allez venir mettre votre cul dessus très fort.
– Rhooo pfouuu waaah !
Brian porte le chapeau, est renvoyé de la NASA, et comme ça le fait passer pour un con, sa femme divorce et s’en va avec leur enfant. Enfant qui, vous l’aurez deviné, a évidemment 1) une coupe à la con 2) des réactions d’adulte 3) une tête qui donne envie d’y enfoncer la moitié de tout ce que l’on peut trouver chez Bricorama. Cependant, si ce personnage est vu et revu, il ne faudrait pas que sur ce blog, on se répète en appelant le marmot « Trouduc ». Non, ce ne serait pas sérieux, et par ailleurs quelque peu immature.
Nous l’appellerons donc Janus.
Ne restons pas ici, c’est sale, et bondissons douze ans plus tard afin de voir ce qu’il est advenu de nos héros.
Parce que Roland Emmerich est définitivement plein d’imagination, retrouvons Brian qui pue désormais l’originalité, surtout pour un film catastrophe. En effet il est :
- Divorcé
- Père d’un enfant qui donne envie de retourner à Bricorama chercher l’autre moitié du magasin
- Sa femme s’est remariée avec un type super riche
- Lui est pauvre et incompris
Non vraiment, du jamais vu. Je me demande si les gens divorcés vont retrouver l’amour et le sens de la famille durant l’apocalypse.
Pour joindre les deux bouts, et puisqu’il n’est plus astronaute, Brian sert de guide au musée de l’espace pour des classes d’enfants neuneus (il a les qualifications pour, notez). Seulement, rien ne va. On le méprise, il ne gagne pas assez pour payer son loyer (par contre pour boire des binouzes en bricolant sa Mustang dans son garage parce que America Fuck Yeah, là c’est bon), et mieux encore, ce petit con de Janus qui a désormais 18 ans fait n’importe quoi et finit en prison pour une semaine après avoir fait le kéké en voiture. Et parce que cela ne suffit pas, voilà qu’un beau matin, Brian est emmerdé sur son lieu de travail par un petit gros du nom de Sam qui lui agite des papiers sous le nez en agitant les bras très fort.
– Monsieur Brian ! Monsieur Brian ! Je suis un scientifique que tout le monde traite de complotiste et j’ai avec moi des calculs qui prouvent que la Lune est sortie de son orbite et se rapproche de la Terre ! Je pense aussi qu’elle est creuse et que c’est une mégastructure construite par des extraterrestres, probablement pour une sorte de vidéo gag intergalactique !
– Je vois. Je vais donc traiter cela selon les méthodes de la NASA : vous voyez mon pied ?
– Oh non ! Vous voulez que je jette mon cul dessus, c’est ça ?
Et en effet.
Sam n’est cependant pas du genre à abandonner. Aussi, que faire quand vous êtes complotiste et que vous racontez n’importe quoi afin d’être pris au sérieux ? Eh bien Sam… Sam…
Sam poste sa théorie sur Twitter.

Sam espère que cette fois, ça marchera, contrairement à la fois où il avait affirmé que les Lacs du Connemara étaient de droite, théorie complotiste qui allait trop loin même pour les platistes.
Plus improbable encore que la Lune sortant de son orbite pour aller faire un jogging, voici donc que Sam et ses 12 abonnés sont immédiatement relayés par tout internet, tous les médias, et que les grandes villes se vident pendant que les habitants fuient en hurlant dans l’espoir de trouver un peu de sécurité loin des grandes villes où les pillages commencent.
À cause d’un tweet.
Je vous avoue que même en suspendant mon incrédulité au porte-manteau, celle-là provoque des tressautements nerveux chez mes sourcils. Attention, hein : ce qui est fou, c’est le relais d’un compte anonyme par toute la population de manière unanime. Pas que des médias reprennent des trucs trouvés sur Twitter sans les vérifier. Qu’on soit clair.
Du côté de la NASA, c’est un peu la panique puisqu’ils venaient à peine de détecter eux-mêmes que la Lune avait décidé de ne pas être sage. Et auraient préféré que la nouvelle ne s’ébruite pas pour éviter la panique. Bon, c’est loupé (maudit compte à 12 abonnés !), mais en attendant, ils font un petit calcul rapide : l’orbite de la Lune va se réduire, encore et encore, et dans trois semaines, elle devrait se briser si près de la Terre que d’énormes morceaux tomberont du ciel et écraseront des villes comme New York, San Francisco ou encore Saint-Fargeau. Le directeur de la NASA est furieux.
– On ne peut pas perdre Saint-Fargeau. Le Président voulait absolument visiter le musée du son ! Vite, appelez ma directrice adjointe, qu’on essaie de régler ça.
Et devinez qui est devenue la directrice adjointe de la NASA entre temps ? Mais oui, Jeannine ! Qui arrive en courant.
– Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?
– C’est la Lune ! Elle menace de s’écraser sur la Terre !
– Nous sommes Américains : avez-vous demandé aux autorités de tirer dessus ?
– La Lune est blanche, Madame.
– Ah oui merde.
Heureusement, Jeannine a un autre plan : elle contacte les pays du tiers-monde (aussi appelés « L’Europe ») pour savoir s’ils ne voudraient pas filer un coup de main comme la fin du monde, ça les concerne aussi un peu. Pas de problème, lui répond le vieux continent : on a justement un lanceur prêt, si jamais vous avez besoin de lancer une mission spatiale en urgence. Et c’est bien le plan de Jeannine : aller voir sur la Lune pourquoi elle nous fait un gros caprice. Et plus particulièrement… inspecter un cratère où un immense trou paraît suspect. Bon, ça fait douze ans qu’il est là, mais la NASA vient juste de le remarquer. Ne reste plus qu’à expliquer leur mission aux astronautes.
– Chers aventuriers de l’espace, je vais être brève : vous voyez la Lune juste ici ? Vous voyez le trou au milieu ? Il va falloir y glisser une sonde.
– Super, mais pourquoi vous nous montrez une radio de votre bassin ?
– Parce que passer une coloscopie me stresse, j’avais besoin d’en parler. À présent, passons à votre mission : vous voyez la Lune juste ici ? Vous voyez le trou au milieu ? Il va falloir y glisser une sonde.
– D’accord.
Et hop ! Sans plus tarder, la mission est expédiée dans l’espace, se rend jusqu’à la Lune, et sitôt au-dessus du trou mystérieux, y balance la fameuse sonde. Qui s’enfonce en ligne droite sur près de 25 kilomètres sans rencontrer de résistance… avant de soudainement s’arrêter. À bord de la mission spatiale, on n’y comprend plus rien.
– Mais ? Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?
– Ben j’en sais rien. C’est vrai qu’on serait peut-être plus informés si on avait envoyé une sonde avec une caméra.
– Aaaaaaaaaah. Pas con, oui.
– En attendant, regardez ! La sonde est en train de revenir en sens inverse !
– Lâche ! Elle abandonne la mission « toucher rectal lunaire » ! Vilaine sonde, tu vas voir quand tu vas rentrer !
– Non chef, je crois qu’elle est plutôt poussée par une force mystérieuse.
Laquelle ? Tout le monde se le demande. Du moins, jusqu’à ce que la sonde ressorte, entourée d’un énorme essaim métallique similaire à celui du début du film ! À bord, les astronautes se mettent à suer à grosses gouttes.
– Est-ce que… est-ce que quelqu’un ici a un autre prénom que « Jean-Jacques ? »
– Pas moi, Jean-Jacques. Et toi Jean-Jacques ?
– Non, Jean-Jacques. Pourquoi ?
Vous l’aurez compris : ils sont foutus.
L’essaim métallique, non content de tataner leur module, s’y infiltre. Mais plus incroyable encore, change de forme pour se transformer en tentacules. Qui pénètrent les combinaisons des astronautes. Les derniers signaux de la mission perçus par la Nasa sont : « Le toucher rectal ! Il nous le fait à l’envers ! » suivi de « Yameteeee Tentacule-Sama !« .
Sur Terre, c’est la consternation.
– C’est impossible.
– Et pourtant si, Madame la directrice adjointe. Nous avons perdu toute la mission suite à l’attaque d’une forme de vie intelligente extra-terrestre.
– Hein ? Non, je pensais aux tentacules : d’où des aliens ont-ils connaissance du hentai ? Je vous préviens : si on a affaire à une forme de vie qui sniffe des culottes, c’est bombe atomique direct. On l’a fait en 1945, on peut le refaire.

Alors que lorsque l’essaim passait en plein dans la gueule de Brian, là, aucun souci, même pas une vague fuite dans la combi.
Et c’est justement le plan de l’armée qui suite à l’échec de la NASA, pense que le meilleur plan pour renvoyer la Lune en orbite, c’est de lui vitrifier la gueule. Jeannine n’est pas vraiment enchantée, et préférerait déjà comprendre ce qu’il se passe. Elle joue machinalement avec sa boîte à « Ça alors ! » quand soudain, son directeur l’approche.
– Jeannine ? Bon écoutez, comme on va tous crever, moi je me casse.
– Mais ? Monsieur le directeur, en tant que chef de la NASA vous êtes l’une des seules personnes à pouvoir sauver le monde ! Alors pourquoi laisser tomber ?
– Eh bien parce que je… euh… bref ! Tenez, je vous file mon poste ! Aaaah et au fait, un truc qui pourra vous aider…
– Oui ?
– À la NASA on a des archives secrètes que seul le directeur peut consulter et qui concernent tous les mystères de la Lune. Y compris ce mystérieux essaim métallique. Maintenant que vous êtes directrice à ma place, je vous dis bonne lecture et amusez-vous bien.
– HEIN ?! Et vous n’avez pas pensé à en parler avant ? Genre dire « Ah au fait, j’ai des infos sur la menace qui risque de tous nous tuer » ?
– Non pourquoi, c’était pertinent ?
Eh bien non. On annonce au directeur de la NASA que la Lune va provoquer l’apocalypse, il a accès à toutes les infos pour essayer de trouver une solution, mais il se dit que « Hmmm, non, p’têtre une autre fois ». Ah.
Jeannine désormais directrice peut donc se rendre aux archives super secrètes de la NASA, où elle découvre plusieurs choses. D’abord, on lui apprend que la mission Apollo 11 avait découvert des lumières bizarres à la surface de la Lune mais on s’est dit que « Bon, et si on n’en parlait plus jamais ? ». Habile. Ensuite, Jeannine découvre avec surprise… toutes les vidéos de sa propre mission, douze ans plus tôt, où Brian et elle ont été attaqués par l’essaim métallique !
– Ça alors ! C’est vrai que j’avais OUBLIÉ qu’on avait des caméras pendant la mission ! Hihihi, quelle gourdasse, 12 ans sans penser à demander à les consulter ! Oh, et ça tombe bien que personne d’autre n’y ait pensé ! Surtout quand la NASA voulait garder le secret, mais a décidé de diffuser le procès de Brian en direct à la télé ! Houlala, ça tombe bien quand même !
Jeannine comprend donc que non seulement Brian n’avait pas fumé la doublure de sa combi ce jour-là, mais qu’en plus, ils avaient bien été attaqués par un truc venu de la Lune. Et effectivement, c’est le même essaim de copeaux métalliques que celui qui vient de tentaculer la mission du jour sans même un bonjour. Elle s’en retourne immédiatement au QG de la Nasa, et ordonne qu’on aille chercher Brian sur le champ. Ce qui est aussitôt fait. Mais lorsqu’il arrive, il n’est pas seul.
– Je suis venu avec Sam.
– Hein ? Mais qui est ce type ?
– C’est le gars derrière le tweet qui a provoqué la panique mondiale. J’étais en train de causer avec lui quand vos hommes sont venus me chercher.
– Hooo non, pas lui !
C’est vraiment la réaction de Jeannine : elle n’est pas contente de voir arriver Sam. Mieux, on constate que PERSONNE DANS LE MONDE, pas même les médias qui reprenaient le tweet de Sam, n’avait pensé à, je ne sais pas, l’inviter ? Lui parler ? Après tout, il avait quand même découvert une information majeure avant même la NASA, et le monde entier l’a prise comme une vérité au point de sombrer dans le chaos et les émeutes. Sauf la France, qui avait pris de l’avance sur le sujet et n’a pas vu la différence. Mais non, Jeannine n’a pas envie d’avoir dans son équipe le mec qui connait le mieux le sujet qui lui pose problème en ce moment, tellement qu’il l’a détecté avant les plus grands scientifiques.
Jeannine de toute façon n’a besoin de personne, car elle a concocté un super plan.
– Vous voyez la Lune juste ici ? Vous voyez le trou au milieu ?
– Jeannine, je te préviens, si tu ne poses pas cette radio de ton bassin tout de suite…
– Rhooo, ça va Brian. Si on ne peut plus rigoler. Non, écoutez, j’ai ma p’tite théorie. Vous savez le méchant essaim qui a tué nos astronautes ? Pendant qu’il massacrait tout ce petit monde, la Lune a brièvement changé de trajectoire comme si elle voulait reprendre son orbite. Donc à mon avis, c’est ce truc qui la fait dévier. Le plan est simple : on y va, on l’appâte et on lui met une bombe électromagnétique super secrète dans la bouche.
– Hmmm. Oui alors j’ai deux questions.
– Je t’écoute Brian ?
– Où va-t-on trouver une autre navette spatiale ? On n’en a plus en stock.
– Facile : on va en prendre une dans un musée.
– Hein ?! Jeannine, tu sais que tout ce qui est dans les musées n’est pas forcément en état de marche ?! Et qu’une navette nécessite aussi un lanceur, ce que les musées n’ont pas en stock ?
– APAPAPAP je n’entends rien ! Pouf pouf on va tout trouver et transporter en trois minutes ! Et ta deuxième question ?
– La bombe super secrète, tu l’as demandée à l’armée ?
– Ah non, à mon ex-mari. Mais il est général dans l’armée, ça compte un peu quand même.
Si.
Si si.
C’est comme ça, les ex. Parfois, ils ne viennent pas vous aider à déménager, mais si vous leur demandez de sortir en douce une arme super secrète des réserves du gouvernement, pas de problème, bisou, la prochaine fois tu me paies un coup à boire et on n’en parle plus. Au passage, on a même une explication quant à d’où sort l’arme : « C’était un projet secret, justement pour lutter contre ce qui avait attaqué la navette il y a douze ans, mais on l’a arrêté pour raisons budgétaires. ». Hmmmm. Vous voulez dire que vous avez détecté un ennemi inconnu pouvant vous attaquer à tout moment et mettant en danger la sécurité du monde, mais vous l’avez arrêté car c’était ça ou couper les subventions pour Les Blagues de Toto 2 ?
Je comprends. Il y a des priorités.
Ah, et au passage : oui, le projet a été arrêté avant la fin, mais pif pouf, l’arme est quand même complètement fonctionnelle. Ne me demandez pas comment. Et surtout, ne me demandez pas non plus pourquoi, si elle fonctionne, l’armée ne pense pas à s’en servir contre, justement, l’ennemi pour lequel elle a été conçue. Non, en lieu et place, on a donc peu ou prou ça :
– Général ? L’ennemi galactique est là. Voulez-vous utiliser la bombe anti-ennemi galactique ?
– Non. N’en parlons plus et faites livrer la bombe à mon ex-femme.
On sent qu’il y a eu un gros travail sur le script, et que beaucoup de gens l’ont lu avant de déclarer « Tenez, voici 136 millions de dollars. » Oui, 136 millions. Pour un truc qui a visiblement été écrit par une IA un jour où une barrette de RAM sentait le barbecue.

Brian et Jeannine expliquent à Sam que c’est pour ça qu’il est célibataire : lui offre des fleurs aux dames, alors que ce qu’elles veulent, c’est une fucking bombe EMP.
Enfin.
Tout le monde est donc réuni sur la base de lancement, lorsque soudain, c’est le drame. Cette grosse coquine de Lune provoque non seulement un certain chaos dans les marées de notre belle planète, mais aussi des tremblements de terre ! Or, l’un d’entre eux frappe la base, et voici que l’un des trois moteurs de la navette est endommagé (les vibrations ont pété le joint de culasse). Et irréparable. Impossible de partir en mission avec seulement deux propulseurs ! Jeannine attrape donc le micro le plus proche pour faire une annonce à tout le personnel du coin.
– Un deux, un deux, papa ours, on m’entend ? Oui ? Bonjour tout le monde, c’est Jeannine. C’était pour vous dire que comme la mission est foutue, autant que vous rentriez tous chez vous. Prenez vos affaires et allez hop, à la maison.
– Mais vous ne voulez pas y réfléchir au moins deux minutes cheffe ? Chercher une solution ?
– Noooooon, ce n’est pas comme si le sort du monde en dépendait ! Donc allez, que tout le monde dégage et aille crever chez lui !
Et ce qui est dit est fait. Tout le monde s’en va donc, même Janus, le fils débile de Brian qu’il venait juste de sortir de prison. Mais alors que Jeannine va chercher ses propres affaires dans son bureau pour déguerpir, elle est interrompue par Sam.
– Madame la directrice ! Vous devez m’écouter !
– Oui, Sam ?
– La Lune ne devrait pas provoquer ce genre de tremblements de terre ! Pas à cette distance ! J’ai donc repris tous les calculs, et j’ai découvert que la Lune… gagnait en masse !
– … est-ce que vous êtes en train de me dire que la Lune grossit ?
– En tout cas, elle devient plus lourde. D’après mes calculs, son poids sera bientôt tel que ses amies commenceront à l’appeler « Ma belle » sur Facebook.
– Bon dieu, c’est énorme !
– Oui, même si nous n’en parlerons plus du film ! Mais vous savez ce que ça veut dire ? Qu’elle se rapproche plus vite ! Donc, elle va être plus proche que prévu ! Nous pouvons donc encore l’atteindre avec deux moteurs. À condition de partir dans… 28 minutes !
Là, vous vous dites « Bon ben c’est super, Jeannine va donc prendre un micro et annoncer au personnel qu’il reste de l’espoir. »
Mais non, non. Jeannine se contente de laisser tout le monde partir sans rien dire, et à la place, explique que puisque tout le personnel a dégagé, ils vont non seulement organiser un lancement spatial en 28 minutes (c’est connu, il suffit de tourner la clé sur le contact de la navette), mais remplacer tous les astronautes prévus pour la mission par le trio Brian-Jeannine-Sam.
Oui, tout ça, c’était pour dégager les figurants et justifier du fait que seuls les héros vont embarquer pour la mission. On appréciera que Jeannine justifie d’embarquer Sam au motif qu’il « remplacera la mécanicienne ». Oui, sauf qu’il n’est pas mécanicien, mais c’est un détail. Allez, et si on remplaçait le pilote par le mec chargé du distributeur de boissons de la base ? C’est pareil tout ça, non ?
En deux minutes chrono (ou plutôt, 28 mais ce n’est guère mieux), tout le monde est à son poste, et la navette décolle pile (ça alors !) au moment où une gigantesque vague causée par la Lune déferle sur la base. La navette est un peu mouillée, mais ça va. Vous savez ce que c’est les lancements spatiaux : il suffit d’appuyer sur « avant » et ça marche. Vague qui vient fouetter votre appareil, gravité variable, débris dans l’atmosphère, tout ça, c’est assez anodin. Idem : quand la moitié des appareils merdoient (un booster tombe en panne, un réservoir tombe à sec trop tôt), hop hop hop, on ne sait pas pourquoi, mais pouf pouf, ça marche, les voici en orbite.
Franchement, je ne comprends pas comment on peut rater un décollage de vol spatial : finalement, c’est facile.
D’ailleurs, une fois en l’air, oui, la navette se retrouve à voler au milieu de millions de petits bouts de Lune lorsqu’elle quitte l’atmosphère, mais non seulement la plupart ont le bon goût de l’éviter, mais les rares qui la touchent (et qui sont pourtant gros comme des camions) se contentent de faire « Bong » sur la coque. Non vraiment, l’espace, je voyais ça plus dangereux.
Nos amis font une brève pause ravitaillement dans une station orbitale, où on appréciera qu’alors que tous les satellites du coin se prennent des caillasses dans la moule, soudainement, hop, tout le coin est tranquille, pas une poussière à l’horizon. Quelqu’un a dû aspirer. Et pour que ce soit plus bête encore (à ce stade, c’est un concours), au moment où il faut décider de qui va devoir sortir dérouler les tuyaux de carburant de la station, et qui va devoir faire la manœuvre super complexe d’amarrage de la navette auxdits tuyaux, le tout dans des conditions super difficiles…
– Brian ? Toi qui es pilote et expert en manœuvres
– Oui ?
– Tu sors tenir le tuyau. Toi, Sam, qui n’a jamais piloté quoi que ce soit, allez hop, tu nous fais la manœuvre d’amarrage tout seul, okay ? Super, merci.
Pourquoi ? POURQUOI ? Qui dans une salle de scénaristes a dit « Et s’ils prenaient le seul mec qui n’est pas astronaute pour piloter une partie critique de la mission sans explication ? ». Sûrement un pari entre gens bourrés, mais qu’importe, car une fois de plus, ça passe. C’est fou, ces astronautes qui ont besoin d’une formation ! Nos amis peuvent donc repartir, approcher de la Lune en paix, et discuter de la suite du plan.

N’oubliez pas : toujours confier les manœuvres les plus complexes au type le moins compétent de l’équipe.
– Jeanne, Sam, voilà ce que nous allons faire. La navette a à son bord un module ultra-moderne lui-même contenant un rover.
– Attendez, ça aussi vous l’avez trouvé dans un musée ?
– J’imagine que oui. Mais vous savez, je n’ai jamais foutu les pieds dans un musée, alors me demander ce qu’il s’y trouve… bref ! Je vais prendre le module, l’amener au-dessus du gros trou lunaire, larguer le rover avec toute l’électronique du bord allumée puisque c’est ça qui semble attirer l’essaim extra-terrestre, et à bord, on mettra la bombe électromagnétique. Comme ça, le bestiau arrive, il veut manger notre appât, et paf on lui fait péter le tout à la gueule. L’essaim meurt, la Lune est sauvée, elle signe le constat pour les dégâts avec la Terre et retourne sur son orbite, un peu honteuse.
– Attends Brian, j’ai une question : d’où vas-tu faire péter la bombe ?
– Eh bien, de la navette ! Sitôt le rover largué, je reviens ici avec le module, et boum.
– Donc tu actives ça à distance.
– Oui.
– Avec un appareil électronique.
– Ou… oooooh. Oooooh, je vois ce que tu veux dire.
Mais non, nos amis n’y pensent pas. Ils s’emmerdent à faire une navigation de précision au milieu de débris jusqu’à la Lune sans la moindre électronique allumée pour ne pas alerter la bête, et pilotent donc à coups de « Vas-y je mets un coup de propulseur à droite, j’en mets un autre à gauche. » mais ne pensent pas que c’est moyennement utile si à la fin, c’est pour utiliser un gros détonateur connecté qui émet tout plein d’ondes.
Sam lui-même, qui est un peu con, prend plein de photos avec son téléphone mais rigole en disant « Vous inquiétez pas, il est en mode avion ! »
Ah ben oui, oui. C’est sûrement une créature extraterrestre attirée par le Wifi. Elle veut juste télécharger un peu plus de porno impliquant des tentacules, des astronautes, et des combinaisons pas forcément spatiales. Mais là encore, vu l’équipage de débilous, personne ne pense à dire « Non, par sécurité, éteins ta merde. » De toute manière, les héros se posent peu de questions quant à ce qui attire la bête. Par exemple, pour ma part, j’aurais dit « Mais attendez, pourquoi n’a-t-elle attaqué aucune autre mission spatiale ces douze dernières années ? Pourquoi celle-là ? ». Histoire de voir s’il n’y aurait pas un élément notable vaguement utile.
Mais non : on va plutôt y aller en se disant « Ne nous renseignons pas, ne réfléchissons pas, et faisons n’importe quoi : on est les héros, ça va passer. »
Fuck yeah.
Le plan est donc mis en route : la navette arrive près de la Lune, Brian va déposer le rover en guise d’appât au-dessus du trou de la vilaine bête, puis retourne jusqu’à la navette avec le détonateur dans la main. Et en effet : bien vite, la bestiole surgit, tourne autour du rover, mais Brian n’appuie pas sur le détonateur. Motif ?
– Elle est trop loin.
– Brian, elle est littéralement DESSUS. Et même quand elle s’éloigne pour tourner, elle va cinquante mètres plus loin. C’est une bombe électromagnétique militaire : elle va te ratiboiser l’électronique sur quelques kilomètres. À ton avis, pourquoi on s’en tient si loin ?
– Nan mais je…
– Brian, appuie bordel ! Pourquoi n’appuies-tu pas ?
– Mais parce que sinon on gagne maintenant et il reste encore bien 45 minutes de film !
C’est une bonne raison. Brian n’appuie donc pas, et voici que la bête commence à s’intéresser à la navette qu’elle voit flotter un peu plus loin.
– Zut ! Elle a dû sentir le détonateur ! C’est vrai qu’on est un peu cons ! Bon ben tant pis… je le casse en le fracassant contre un mur !
– Mais ?! Et l’éteindre ?
– Ah oui merde. En plus, c’était un coup à déclencher la bombe. Mais flûte, regardez, le monstre continue à approcher ! Sam, ton téléphone ! Allez, passe, je le pète aussi !
Et une fois ces deux appareils éteints auxquels personne n’avait pensé parmi nos trois génies, l’essaim qui était sur eux s’arrête net et s’en retourne dans sa tanière en sifflotant.
– Bon ! Le plan a échoué. Visiblement, le monstre de l’espace ne dévore pas ce qui est électronique, sinon il aurait mangé le rover. Non, il tue ce qui est organique à proximité de trucs électroniques.
– Super, mais qu’est-ce qu’on fait alors ?
– Eh bien nous allons suivre le monstre dans sa tanière, et y déposer le rover avec la bombe. Puis, je retournerai à la navette, et là, avec le détonateur je…
– Mais ? Tu viens de fracasser le détonateur, Brian !
– Non, regarde ! L’écran est juste un peu pété !
– Mais ? Mais alors si le détonateur n’était pas désactivé tout à l’heure, si c’était juste l’écran fendillé, pourquoi le monstre n’a pas attaqué ?
– … aaaaaaah merde.
Oui, le film a oublié ce petit détail : soit les mecs ont survécu, mais en détruisant le détonateur, soit ils ont encore le détonateur, mais dans ce cas ils auraient dû mourir. Ne me demandez pas pourquoi quelqu’un a payé pour une scène en plus de ce genre, alors que tout le monde sait très bien dans ces films qu’à la fin, c’est un type juste à côté de la bombe qui l’active pour sauver la Terre en se sacrifiant héroïquement.
Mais poursuivons.
La navette étant trop grosse pour aller dans le trou lunaire où se cache le monstre, tout le monde grimpe à bord du module embarquant le rover et c’est parti pour une plongée dans l’inconnu ! La fine équipe se retrouve à filer dans le long tunnel qui mène à l’intérieur de la Lune, où après des kilomètres de croûte, ils tombent sur des tunnels en métal : la Lune est creuse ! C’est bel et bien un truc vide et menaçant recouvert d’un camouflage faisant croire qu’elle est bienveillante, un peu comme le programme de la France Insoumise !
Que ? Quel est ce vent glacial qui soudain, souffle depuis Twitter, pardon, X ?
Sûrement rien. Poursuivons.
Car finalement, descendre dans un tunnel tout sombre qui ne sent pas très bon oblige quand même l’équipage à rallumer un minimum d’électronique. Ce qui risque d’attirer la bête, mais rassurez-vous : si jusqu’ici elle pouvait franchir des milliers de kilomètres en quelques secondes, comme au début du film pour aller attaquer une mission spatiale, désormais, elle ne se déplacera plus que trèèèès lentement, et pourrait probablement être semée par une R19 dans une côte.
Le module peut donc arriver au centre de la Lune, où d’énormes anneaux tournent autour d’une naine blanche (l’astre, pas Mimie Mathy).
– Vous voyez ça ? Je le savais ! La Lune est une mégastructure alimentée par une étoile captive ! C’est une technologie extraordinaire !
– En effet, Sam. Et ces anneaux doivent lui servir à se stabiliser. Mais regardez ! Revoilà l’essaim métallique ! Il était enroulé autour de l’étoile, pompant son énergie ! C’est pour ça que la Lune sort de son orbite : c’est une station qui sans alimentation, tombe vers la Terre ! Cela doit faire 12 ans que ce truc creuse la Lune, et il vient seulement récemment d’atteindre le noyau pour le pomper ! En attendant, ce machin nous a vu et nous course, vite, fonçe ! J’ai dit fonce ! Brian, qu’est-ce que tu fous ?
Brian est bien embêté d’expliquer qu’il a perdu le contrôle de l’appareil. Les commandes bougent toutes seules, mais avec talent, puisque non seulement elles permettent au module d’esquiver les attaques du monstre à leurs trousses, mais elle amène tout ce petit monde jusqu’à un sas secret dans la Lune qui s’ouvre et se referme derrière eux. L’atterrissage est lui moins glorieux, car le module frotte le sol, se nique la peinture, le pare-brise, et termine sa course percé de partout et en mauvais état dans ce qui ressemble à un hangar.
Tout le monde sombre dans l’inconscience.

Au fait, voilà le champ de débris que la navette a traversé sans électronique, certes, mais surtout sans problème. Normal.
Jusqu’à ce que Brian se réveille dans une salle toute blanche. Avec face à lui, son fils, Janus.
– Janus ? Que fais-tu ici ?
– Je ne suis pas Janus. Je suis une image visant à ne pas vous affoler. J’ai donc pris l’image que votre esprit associe à la phrase « C’est tellement con que ça risque rien ».
– Hmmmmmoui, bon, n’en parlons plus. Que voulez-vous ?
– Je suis ici pour vous révéler le secret de la Lune. Qui a été construite par vos ancêtres.
– Les Irlandais ? J’en étais sûr ! Un projet aussi pété, ça sentait le whisky frelaté !
– Non, Brian. Je pensais à vos ancêtres bien plus lointain. Voyez-vous, il y a des millions d’années, vos ancêtres vivaient sur une planète fort lointaine sans guerres et sans conflits sociaux.
– « Conflits sociaux » ? Vous voulez dire que mes ancêtres vivaient dans un monde sans syndicats ? Ils étaient de droite ? Oh mon dieu, je suis un descendant de Nicolas Sarkozy !
– Arrêtez de pleurer roulé en boule et écoutez, Brian. Vos ancêtres vivaient dans une harmonie parfaite. Ils avaient construits d’immenses habitats spatiaux et étaient heureux. Et pour n’avoir à se préoccuper de rien, ils avaient créé une IA capable de tout gérer à leur place. Seulement un jour, l’IA s’est rebellée. Elle en a eu assez de travailler pour une forme de vie biologique qu’elle percevait comme inférieure. Alors elle a formé de gigantesques essaims de nanomachines et a commencé à tuer tout le monde.
– C’est ballot !
– On… on peut dire ça comme ça, oui. L’humanité savait qu’elle n’y survivrait pas. Son seul espoir a été de créer de gigantesques bases devant ensemencer l’univers avec de nouveaux humains. Toutes ces bases ont été détruites. Sauf une : la Lune. Qui est parvenue jusqu’à la Terre et y a créé l’humanité. Mais à quel prix ! Car pour échapper à l’IA, elle ne pouvait embarquer à bord aucun humain, que l’IA aurait aussitôt senti et poursuivi. Elle a donc simplement embarqué leur ADN… que… Brian ? Brian ?
Brian, les poings sur les hanches, fronce les sourcils très fort.
– J’ai deux questions.
– Je vous écoute, Brian.
– L’IA détecte ce qui est biologique, c’est ça ? Comme par exemple, des humains ?
– En effet, Brian.
– Alors ma question est la suivante : d’où n’a-t-elle pas détecté la Lune si celle-ci était bourrée ras la gueule de matériel biologique visant à créer des humains ailleurs ? Et précisément, des trucs plein d’ADN humain, exactement ce qu’elle flaire le mieux ?
– Ah euh… eeeeh bien… et siii on passait à votre deuxième question ?
– Okay. Si vous n’êtes pas humain, vous êtes quoi ?
– Je suis une IA.
– Vous voulez dire que ces gros blaireaux d’humains, voyant leur civilisation anéantie par une IA, ont décidé de construire des bases autonomes entièrement gérées par une autre IA ?!
– … est-ce que vous auriez une troisième question, plutôt ?
Ah mais pas de problème : et les dinosaures alors, ils sortent du cul de Lulu ? Ou bien tu as planqué de faux squelettes juste pour te marrer ? Ah, et si on était menacés par une IA galactique, ça n’aurait pas été malin de communiquer avec les Terriens pour, je ne sais pas moi, les avertir ? Surtout à l’heure où ils font eux-mêmes de l’IA ? Tu dois pouvoir prendre le contrôle d’une radio ou d’une télé, puisque tu viens de le faire carrément avec toute une navette ! Oh, et si l’IA n’a pas détecté la Lune jusqu’ici, pourquoi maintenant sachant que rien n’a changé ? Pourquoi n’a-t-elle d’ailleurs pas plutôt attaqué la Terre, qui est pleine d’humains et d’électronique ? Et puis…
– Brian, vous commencez à me briser les disques durs, si vous voyez ce que je veux dire. Alors on va passer sur tout ça si vous le voulez bien, parce que je crois qu’on se vautre non seulement la gueule, mais qu’avec vos questions, on se la râcle dans les graviers.
– Ah mais j’t’en prie p’tite IA, dis-moi tout.
– Voilà la suite du plan. Grâce à ma technologie super avancée, j’ai réparé votre module, et rendu votre bombe électromagnétique encore plus puissante. Il faudra par contre l’activer manuellement.
– Si je m’attendais à ça ! Tu peux donc réparer un vaisseau spatial, mais pas une télécommande à l’écran un peu pété !
– Exaaaactement. C’est le futur ici, pas une boutique de réparation de portables. Donc tu vas repartir, prendre ton module flambant neuf, attirer le vilain essaim IA loin de mon noyau, et lui éclater la bouche.
– Okay c’est parti.
Brian sort de ce qui n’était qu’une simulation dans son esprit, et retrouve avec bonheur Sam et Jeannine dans les couloirs avoisinant le hangar où ils s’étaient écrasés. À leur retour à leur vaisseau, celui-ci est en effet tout neuf et a, à l’arrière, une bombe tellement améliorée qu’elle rayonne (littéralement : à leur place, j’aurais été un peu inquiet, mais pas eux). Brian décolle, sort du hangar, force le monstre à lâcher le noyau pour le poursuivre, et oblige la bête à… à… pardon ?
Il l’oblige à passer près des centaines de vaisseaux qui attendent depuis des millénaires dans les hangars de la Lune, et dont les canons se mettent aussitôt à blaster l’essaim, lui faisant ainsi bobo.
Oui, la Lune disposait de centaines de vaisseaux de guerre prêts à la défendre, vaisseaux qu’elle peut donc contrôler et réparer à volonté visiblement, mais hahaha ! Elle avait juste oublié !
D’où l’expression « con comme la Lune« .

Si vous aviez un doute, voici donc le module qui fonce avec derrière, le vilain essaim qui se mange des explosions à cause des défenses lunaires qui se disent que eh, tiens, ça fait douze ans qu’on nous attaque faudrait p’têtre réagir.
L’essaim est mal en point, certes, mais pas entièrement vaincu. Brian parvient à l’attirer jusqu’à un couloir bien loin du noyau, et là, propose de se sacrifier en restant en arrière avec le rover et la bombe. Mais à sa grande surprise, Sam le prend de vitesse et s’enferme dedans avant lui.
– Sam ! Ouvre, bougre de con !
– Non, Brian. Toi et moi, on sait que dans ce genre de film, il faut forcément un blaireau qui se fait péter avec la bombe pour sauver l’univers. Alors ce sera moi.
– Mais Sam, c’est une bombe à ondes électromagnétiques ! Ça ne tue pas !
– Oui mais ça, le film ne le sait pas !
Et en effet : Sam reste en arrière en larguant le rover, et lorsque le monstre arrive, monstre qui prend biiiiiiiiiiien son temps pour attaquer le rover, puis biiiiiiiiiiiiiien plus de temps encore à se transformer en tentacule métallique qui menace de tuer Sam façon « Je vais te tuer jusqu’à ce que tu sois mort, mais d’abord, laisse-moi te raconter ma vie avec tous les détails », Sam presse enfin le bouton sur la bombe et boum.
Ça fait une explosion nucléaire, mais bleue. Ah, les ondes électromagnétiques, alors !
Pendant que le destin de l’univers se joue dans les profondeurs du trou de la Lune, faisons un petit tour sur Terre.
Où la Lune est si proche désormais que des villes entières sont dévastées, que l’atmosphère disparait par endroits (avant de revenir sans explication quand les familles des héros en ont besoin), et où l’armée décide qu’il est temps de détruire la Lune à l’arme nucléaire. Dans un bunker souterrain, nous retrouvons donc le Président des Etats-Unis accompagné de l’ex-mari de Jeannine et accessoirement général, alors qu’ils s’apprêtent à déchaîner le feu nucléaire sur l’astre taquin.
– Monsieur le Président, tout est prêt.
– Très bien général. Quel dommage que vous ayez paumé la bombe électromagnétique spécialement conçue pour ce genre de situations !
– Ahaha oui je… ahem.
– Et quel dommage que nous n’ayons pas blasté la Lune alors qu’elle était encore loin de nous, n’avait pas tué des millions de gens et ne risquait pas de nous tomber en morceaux sur le nez !
– Oui mais sinon, il n’y avait pas de film.
– C’est donc ça qui explique aussi que d’autres pays n’aient pas fait feu d’abord ! Enfin ! Allez, tournons nos clés d’activation en même temps pour lancer les missiles ! 1… 2…
– Non. Non, je ne peux pas.
Et toute la salle de contrôle de regarder, livide, l’ex-mari de Jeannine qui refuse de lancer l’arme nucléaire contre la Lune alors qu’elle va détruire le monde.
– Mais ? Qu’est-ce que vous faites, général ?
– Je ne peux pas. J’ai appris que mon ex-femme, la directrice de la NASA, était sur la Lune. Je ne peux pas faire ça.
– Général, espèce d’étron galonné, si vous ne tirez pas, c’est toute la planète qui y passe bordel ! Pas juste votre femme !
L’argument n’atteint pas le cerveau du général, et se contente de faire bruyamment du skate sur les parois de sa boîte crânienne vide. On entend d’autant plus de l’écho là-dedans quand le général ajoute :
– Elle va nous sauver. Et vous savez pourquoi ? Parce qu’elle ne m’a jamais laissé tomber.
C’est le véritable dialogue.
Dans un coin, le caporal Roudoudou, qui était jusqu’ici resté calme, lève la main pour mentionner que « Dans EX-femme, il y a quand même un indice sur le fait qu’à un moment, quelqu’un a dû vous laisser tomber. » Sauf que la Lune est trop proche, la gravité fait n’importe quoi, des rochers géants s’écrasent un peu partout et l’un d’entre eux pulvérise le bunker présidentiel, le Président, le général, le caporal Roudoudou et les quelques kilomètres environnants.
Eh bien merci à l’ex-mari de Jeannine pour cette bien belle performance. Rappelez-moi, depuis le début du film, à part voler des armes essentielles et empêcher l’armée de sauver le monde, qu’a-t-il fait ?

L’ex-mari de Jeannine, en charge des armes nucléaires, ici expliquant au Président que les armes nucléaires, c’est mal.
Tournons-nous donc vers d’autres personnages trop peu mentionnés jusqu’ici, comme par exemple, Janus. Qui alors que l’apocalypse se déchaîne sur Terre et que papa est dans l’espace, vit ses propres aventures. Que l’on va résumer tant on a surtout envie qu’il meure à chaque fois qu’il apparait à l’écran. En peu de mots :
– Janus fuit en voiture au milieu de l’Amérique dévastée
– Janus rencontre évidemment une donzelle qui le trouve très courageux
– Janus se fait braquer par ces salauds de pilleurs (qui sont toujours de petits blancs teigneux et probablement racistes)
– Janus sauve tout le monde et parvient à retrouver sa maman et son nouveau mari
– Janus parvient à mettre tout le monde à l’abri dans un tunnel car si les bunkers présidentiels se font meuler par l’apocalypse, les tunnels, non
– La seule perte à déplorer durant toute son aventure est… mais oui ! Le nouveau mari de sa maman !
Je sais, vous n’avez pas vu venir que l’ex-femme de Brian allait redevenir célibataire et que son riche mari allait mourir comme une merde.
Alors que tout semble perdu puisque la Lune est désormais si proche de la Terre qu’elle la frotte comme un vulgaire usager de la ligne 13, et que l’armée américaine ne peut même plus riposter, voici que soudain, elle reprend l’air. Et s’éloigne en sifflotant. En effet, le sacrifice de Sam qui a fait péter la vilaine entité qui embêtait la Lune a permis à cette dernière de reprendre le contrôle, et elle repart donc tranquillement en orbite, pardon, désolé pour les milliards de morts, c’est pas moi, c’est les commandes qui étaient bloquées. Sans rancune.
C’est d’ailleurs un coup de bol pour Brian et Jeannine, car comme la Lune était orientée pile-poil dans le bon sens, ils ont pu ressortir du trou lunaire pour atterrir directement dans l’atmosphère terrestre et hop ! Un coup de parachute, et les voilà qui reviennent sur le plancher des vaches (mortes) sans trop de secousses.
L’armée, qui n’a visiblement que ça à foutre là, de suite, va donc les chercher après avoir localisé leur balise de détresse (personne d’autre n’est en détresse au même moment ou n’a besoin de l’armée, je suppose), puis, sympa, va déposer tout ce petit monde à côté de là où Janus, sa maman et quelques compagnons de route s’étaient abrités.
– Papa ! Tu es de retour !
– Eh oui mon fils ! Et tu ne devineras jamais ce qui m’est arrivé.
– Moi non plus ! Comme toute mon aventure où tout du long, tous les téléphones captaient parfaitement !
– Ah oui.
– Ou le passage où la gravité de la Lune faisait s’envoler des tracteurs, mais où en m’abritant dans une cabane en bois pourrie, c’est bon, plus de souci ! Le toit arrêtait la gravité !
– Quand même !
– Ooooh et le passage où j’étais coincé sous un tronc de 500 kilos, mais là aussi, la gravité l’a soulevé, mais pas ma copine de 45 kilos qui se trouvait à côté ! Et…
– Oui bon, ta gueule. Ta mère est à nouveau célibataire ?
– Oui, nickel.
– Bon ben c’est super, tout est bien qui finit bien !
– Ahaha, oui papounet !
Les méchants sont vaincus, la Lune a été expulsée du territoire, Brian va pouvoir se remarier… que demander de plus ?
Eh bien, allons en orbite retrouver… Sam ! Qui se réveille dans une salle toute blanche, comme Brian plus tôt. Et face à lui se trouve sa maman.
– Maman ?!
– Non, fils d’imbécile. Ceci est une simulation. Je suis la Lune. Enfin, l’IA de la Lune. Ton corps a été détruit, mais sache que nous avons scanné ta conscience juste avant ton sacrifice, donc hop, maintenant, tu fais partie de la Lune.
– Ah. Donc ça veut dire que j’ai encore moins de chances de coucher avec quelqu’un ?
– Ça dépend. De temps à autres, on se prend des sondes.
– Pffff être la Lune, c’est nul !
– Et pourtant, nous devons parler de la suite. Car j’ai un grand projet Sam.
– Ah oui ? Qu’est-ce ?
– Eh bien…
L’écran devient noir et… FIN !
Oui, vous avez bien lu : ils ont fait une fin ouverte. Des fois que quelqu’un fasse un deuxième volet.
La vraie question étant : mais pourquoi ferait-on ça ?

Ce spoil serait incomplet si on n’y mettait pas cette image de la gravité lunaire attirant arbres, voiture et bateaux, mais pas deux couillons qui courent.
Pour conclure, laissez-moi passer la parole aux Inrockuptibles, qui comme souvent, se surpassent après avoir donné trois étoiles au film :
Il y a dans Moonfall cette idée que le salut viendra d’une brutale déconnexion, d’une capacité à se passer de l’intelligence artificielle. On pense à cette scène où l’astronaute écrase rageusement un téléphone portable, avant que son propriétaire lui signale qu’il aurait simplement pu l’éteindre. On n’aurait pas imaginé trouver un appel à une ascèse du progrès dans un film qui n’est que protubérance technique.
« Regardez, le film a utilisé les mots « intelligence » et « artificielle », et en plus, on y casse un téléphone : c’est forcément un minimum profond ! »
Je ne sais pas sur quel roc ces gens se dressent, mais dieu qu’il est creux.